Consultation
Souffrance et Travail

François Candebat - Psychologue Clinicien

" Le travail souffre,

c'est lui qu'il faut soigner. "

Yves Clot
Brive-la-gaillarde
Au-delà de situations particulières, où la violence a sa part
(violences des usagers, harcèlements et violences sexistes en milieux professionnels),
la souffrance au travail
est depuis de longues années
le fait d’organisations de travail
ne permettant plus la reconnaissance de la contribution du travailleur ou attaquant ses valeurs éthiques,
ayant pour conséquence
une perte de sens majeure.
La souffrance au travail,
de quoi parle-t-on ?

Le travail a ceci de contradictoire : il participe à la santé et à la construction de l’identité du sujet – nous parlons alors de plaisir au travail et d’accomplissement de soi –, tout comme il peut être déstructurant ou pathogène.

Pour nous, psychologues, le travail présente un enjeu subjectif essentiel : il s’agit pour le travailleur de trouver à ses pulsions une issue qui soit compatible avec son insertion sociale et à travers laquelle il puisse construire son histoire propre.
Le travail nous enrichit ou nous confrontent à la perte. Il est simultanément une expérience du monde et une expérience de soi : par le travail, je ne modifie pas seulement le monde,
je me modifie moi-même. Le travail est alors un espace et un temps dans lequel le sujet construit et joue son identité
et sa santé.

Dans cette construction, le travailleur prend appui sur ses différentes expériences de coopération et de solidarité
au sein de son collectif de travail, pour in fine obtenir la reconnaissance par ses pairs de sa contribution subjective. Lorsque la reconnaissance de sa singularité fait défaut,
c’est l’identité du sujet qui est en danger. La mobilisation
du travailleur va être alors centrée sur la défense de sa santé psychique, avec des comportements jugés paradoxaux, irrationnels, qui sont à comprendre comme des défenses contre une souffrance pathologique. En définitive, il y a souffrance au travail, quand il n’y a plus de possibilité de transformer cette souffrance en plaisir, ou lorsque les défenses ne peuvent plus remplir leur rôle de protection.

Focus sur le monde agricole

Il n’est pas épargné. Entre 2007 et 2011, 781 suicides ont été dénombrés chez les agriculteurs. Est observé un excès de mortalité par suicide
chez les hommes exploitants agricoles, par rapport à la population générale. Cette surmortalité est particulièrement marquée pour les hommes âgés de 45 à 64 ans. (Source : Khireddine I., Santin G., Bossard C., (2016), Surveillance de la mortalité par suicide des agriculteurs exploitants, Situation 2010-2011 et évolution 2007-2011, Santé publique France, 29 p.)

Pour l’association Solidarité Paysans, la souffrance des agriculteurs s’explique notamment par la précarité financière des familles, du fait
de la difficulté de dégager un revenu (endettement, prix non-rémunérateurs...) d’un travail pourtant difficile et chronophage.
À quoi s’ajoute la pression des créanciers, le stress des divers contrôles sanitaires et administratifs, et la tentation de travailler toujours plus.

Troubles de l’humeur

Troubles dépressifs (humeur dépressive, inhibition ou ralentissement psychomoteur, troubles somatiques),
accès maniaques (exaltation émotionnelle, euphorie, hyperactivité improductive, dispersion idéique, troubles
du comportement).

Pathologies post-traumatiques

Etat permanent d’angoisse avec des signes somatiques (tachycardie, sueurs, tremblements…), reviviscence diurne des évènements avec pensées intrusives, rêves traumatiques et insomnies, irritabilité, difficultés de concentration.

Pathologies du harcèlement

Anxiété, dépression, troubles du sommeil, ennui, prise
de médicaments ou d’alcool, fatigue, hypervigilance
et hyperactivité au travail, atteintes somatiques
dont troubles de la sphère gynécologique.

Entités psychopathologiques liées au travail et symptômes

Pathologies de surcharge

Atteintes somatiques (Troubles musculosquelettiques, Karôshi), syndrome mixte associant des symptômes psychiques et somatiques (syndrome d’épuisement professionnel ou Burn out).

Hyperactivité et dopage au travail

Modèle de l’auto-accélération conduisant à une répression pulsionnelle, pratique d’automédication (produits psychotropes : stimulants la journée, anxiolytiques
et somnifères la nuit).

Troubles du jugement et de la pensée

Troubles cognitifs révélant une perte d’emprise sur le réel (syndrome déficitaire en secteur, syndrome confusionnel
ou pseudo-démentiel).

Bibliographie (courte)

  • Christophe Dejours, Souffrance en France, La banalisation de l'injustice sociale, Seuil, 2009, 237 pages.

  • Christophe Dejours et Isabelle Gernet, Psychopathologie du Travail, Elsevier Masson, 2012, 155 pages.

  • Marielle Dumortier, Le monde du travail est devenu fou !, Le Cherche Midi, 2020, 336 pages

  • Marie Pezé, Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés, Flammarion, 2010, 214 pages.

  • Marie Pezé, Rachel Saada et Nicolas Sandret, Travailler à armes égales, Souffrance au travail : comment réagir, Pearson, 2011, 223 pages.

  • Dorothée Ramaut, Journal d'un médecin du travail, Le Cherche Midi, 2006, 123 pages.